mardi 6 octobre 2015

Le Loiret

Lundi 5 octobre, 17h, cette recharge aura été longue pour n’avoir roulé que 45 kilomètres avant. Le voyant se décide à changer de couleur au moment où la pluie semble se calmer… il est temps de partir.

Je prends la route en direction de Fontainebleau, une grosse départementale à double voie dans chaque sens. En comparaison, celle qui m’avait amené à Saint-Quentin quelques jours plus tôt pourrait paraître tranquille à côté. Heureusement, il n'y a pas trop de camions, et un accotement est prévu pour les vélos. Mais il pleut, les voitures m’éclaboussent et la nuit ne va plus tarder. Je focalise toute mon attention sur la ligne blanche, et prends mon mal en patience en espérant que ce tronçon ne durera pas trop longtemps. Malheureusement ça dure, ça dure beaucoup trop, je ne vois pas le bout, c’est interminable. Et je n’ai pas d’autre alternative, cette voie traverse la forêt de Fontainebleau, il y aurait bien des chemins dans les bois mais avec la pluie, c’est boueux et ça me ferait rouler trop lentement pour sortir de la forêt avant la tombée de la nuit. Je reste donc dans ce couloir de la mort en restant concentré, avec mes diodes rouge clignotant à l'arrière qui font effet car tous les véhicules me dépassent avec beaucoup de marge de sécurité. Je trouve ça quand même scandaleux que ça ne soit pas interdit aux vélos et aux piétons, j’ai l’impression d’être au bord d’une autoroute.

Je finis par pouvoir quitter ce cauchemar un peu avant Nemours, très jolie ville au bord du canal du Loing. Si j’étais raisonnable je chercherais un endroit pour dormir ici, mais il me reste beaucoup d’autonomie, ça serait dommage d’avoir passé tout ce temps au fast-food pour ne pas consommer tous ces watts-heure restant. Je suis gourmand, je continue à avaler les kilomètres de bitume, alors que la nuit tombe.
Plus je m’éloigne de Nemours, moins il y a d’éclairage public, et je finis par me retrouver dans le noir total, sur le chemin de halage qui suit le cours d'eau. Cette fois c’est bon, j’ai bien vidé la batterie, mais je suis au milieu de nulle part. Je savais que je n’étais pas raisonnable, mais j’étais prêt à passer une mauvaise nuit, car j’en avais passé trois bonnes consécutives ce week-end. Je continue à pied en tenant la torche d’une main et en poussant la roue de l’autre, jusqu’au village de Nargis. La majorité des volets sont fermés, il n’y a personne dans les rues. Arrivé sur la place du village, rien ne bouge, pas un bruit. Une femme sort de chez elle pour promener son chien, ça sera ma seule chance d’aborder quelqu’un, sinon il faudra sonner aux portes. Peu aimable, elle me prétexte que son compteur a des problèmes lorsque je lui parle de charger le monstre. Et elle s’en va en laissant la lumière allumée. Je n’insiste pas, je ne me voyais pas passer la soirée avec elle de toutes façons. J’ai dû lui faire peur avec ma capuche dans cette ruelle peu éclairée...

Je trouve alors une cour avec le portail ouvert, qui semble être un espace public avec une bibliothèque, une salle polyvalente, un préau et des toilettes publiques. Je rentre dans les toilettes, je détache le radiateur électrique du mur pour dénicher une prise, la roue étant prioritaire au chauffage. Raté, son câble est directement relié au mur, sans prise. C’est en ressortant que je distingue dans l'obscurité un interrupteur et une prise de courant en hauteur sur l'un des poteaux du préau. Je m’empresse de sortir mon chargeur, pour vérifier l’état de fonctionnement de cette vieille installation… Victoire ! Le voyant s’allume, je vais donc passer la nuit sous ce préau, il ne fait pas trop froid, c’est calme, j’ai un toit, et même des toilettes, tout va bien.

Nuit 9 : J’ai chargé sous le préau d’une cour municipale.


Mardi 6 octobre, 7h, après avoir un peu dormi je pars de nuit, mais à peine sorti du village, j’ai droit à une belle averse. Immédiatement je vais me mettre à l’abri sous un hangar, au milieu de matériels agricoles et de bottes de foin. La pluie ne s’arrête pas, je finis par m’allonger confortablement sur le foin et me rendors jusqu’à 9h.
Il y a de sombres nuages menaçants et beaucoup de vent, mais il faut avancer un peu, je ne vais pas rester dans ce trou perdu toute la journée.

Je me lance pour 40 kilomètres sur des routes plus ou moins grandes, puis finis par arriver en plein coeur du Loiret, batterie à plat, sans personne à l’horizon. Je marche pendant environ une heure en poussant la roue, je sonne aux rares maisons que je rencontre, sans résultat. Je me sens seul au monde, j’ai presque envie de passer par dessus un portail pour chercher une prise extérieure dans un jardin. Mais je continue de marcher encore un peu avant de passer à la méthode "cambrioleur" et finis enfin par trouver une ferme avec deux hommes qui m’autorisent à utiliser une prise dans le hangar. Il est déjà 13h, c’est un peu tard pour commencer une charge mais ça me permettra au moins d'avancer jusqu’à la ville suivante.
Je reste pendant plus de deux heures assis sur une palette en bois, à m'occuper comme je peux, sans réseau. La météo change vite, ça passe du ciel bleu à la grosse averse en quelques minutes. Je profite d'une accalmie pour repartir jusqu'à Briare, une très belle ville au bord de la Loire.

C'est la fin de l'après-midi, ma batterie est de nouveau presque vide, je ne sais pas trop quoi faire, il est trop tôt pour chercher où dormir, trop tard pour démarrer encore une nouvelle charge. Je me promène dans la ville en attendant d'avoir une idée, et traverse le fameux pont-canal.

Le pont-canal de Briare.

C'est alors que, sans chercher, je trouve une prise dans le même genre que la veille, dans une petite pièce entre une salle des fêtes et la mairie. Je commence à avoir le flair pour les détecter. Je me branche, mais il va faire nuit dans deux heures, le timing n'est vraiment pas terrible. Je sens que je vais encore passer la nuit dehors... ce n'est pas grave, je commence à avoir l'habitude, c'est un "J'irai charger chez vous" en mode très sauvage. Mais j'aime bien, c'est une expérience intéressante d'être dans la peau d'un SDF.

Nuit 10 : J'ai chargé dans une petite pièce municipale.


Demain soir, il faudra que je fasse un effort pour trouver un endroit au chaud, car une baisse de température est prévue...

9 commentaires:

  1. Décidément pas simple... Courage pour la suite, en espérant que la fatigue de la batterie ne soit qu'une impression.

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  2. C'est bien écrit, on attend la suite avec impatience, tu es le roi de la débrouillardise forcée, depuis Montbrehain j'admire !
    Catherine

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  3. T'es un vrai chef. C'est toujours un plaisir de lire tes écrits. Ton temperament d'aventurier semble à meme d'arriver à bout des situations les plus difficiles. Bon courage !
    Tiens une idée : si tu avais proposée a la vieille dame d essayer la roue? ; )

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  4. Galère galère, mais on voit que tu tiens bon et c'est ça qui est important en plus d'une belle expérience qui grandit de jour en jour ;-)

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  5. Bonjour, c'est Florence, si tu passes aux alentours de Bourbon l'Archambault, tu peux faire une halte chez nous, pour manger, dormir, faire charger ton bolide... Marie a ton facebook! Bonne route!

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  6. Ugo,
    Informé nous de ton point de chute du lendemain que le petit monde des internautes essaie aussi de faire jouer leurs réseaux pour te trouver un coin au chaud!
    De même, envoie des mails aux mairies avec ton blog et un résumé de ton projet... Ils ont tous un point d'accueil au chaud et un lit!
    Je recommandé perso Ugo... C'est un bon invité!!!
    Met le aussi sur le forum et tes contacts facebook et ta page... Ou tu te créé un page j'irai charger chez vous!

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  7. Périple pas toujours facile, t'as pas eu la météo avec toi ni les "chez vous" accueillant, on pense à toi en espérant que ça se passe toujours bien pour la suite, courage.
    Ticoche

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  8. La météo s'améliore espérons que tu retrouves le même plaisir qu'aux premiers jours... Et que les gens que tu croiseras se de coincent un peu !

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  9. Hello Ugo !
    J'espère que tu vas trouver un point de chute un peu plus confortable que tes derniers, ceci autour de Nevers où tu seras sans doute ce soir...
    Quelle chance tu as de pouvoir faire tout ça... Profite ! :)
    Sylvain

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